Interview avec Lex Delles dans paperjam.lu

"Le touriste ne s'arrête plus aux frontières"

Interview: Paperjam.lu (Thierry Labro) 

Paperjam.lu: Neuf mois après la présentation de votre stratégie sur les Business Events, où en est-on?

Lex Delles: La stratégie vit. J'aime bien les stratégies qui vivent, sans qu'on passe son temps à prédire ce qui arrivera dans 10 ans... Il y a une organisation autour de quatre grands axes: fédérer, mesurer, organiser et développer.

Nous avons mis en place des projets concrets, comme les très bons échanges avec l'international Congress and Convention Association (Icca) pour le développement des IccaSkills. Le premier, qui est au Luxembourg, permettra de développer les compétences des acteurs et d'avoir une reconnaissance de ceux qui y participent.

Nous avons aussi l'idée des Green Business Events, une certification à partir d'une analyse pour qu'un congrès devienne plus durable, ou encore les Intellectual Leaders, qui sont des ambassadeurs dans différentes organisations, que ce soit des ONG ou des entreprises dans ces domaines.

Paperjam.lu: Comment mesure-t-on l'intérêt de cette stratégie?

Lex Delles: Il y a deux mesures: le classement de l'lcca, qui est neutre et identique pour tous les pays; et une mesure du développement des secteurs prioritaires, que ce soit l'espace, PICT ou la santé. Si nous faisons un congrès, nous voyons qu'au Luxembourg, il se passe des choses dans ce domaine. Prenez, par exemple, The Meniscus, un très grand congrès sur le ménisque, qui s'est tenu au Luxembourg en juillet 2022.

Le Luxembourg Convention Bureau (LCB), joint-venture à 50-50 de l'État et de la Ville de Luxembourg, a pour rôle d'aider à remplir des cahiers des charges. Il regroupe les offres et retourne voir l'organisateur. Il doit aussi chercher des congrès pour les inviter à venir au Luxembourg et profiter des infrastructures. Aujourd'hui, 200 partenaires proposent des services.

Paperjam.lu: C'est beaucoup?

Lex Delles: Deux cents, il faut mettre cela en relation avec le secteur. Ce sont des acteurs spécialisés qui veulent travailler davantage dans ce segment. Un touriste d'affaires dépense en moyenne 594 euros par jour, trois fois plus qu'un touriste "normal". Le LCB travaille aussi sur les principaux axes de développement pour co-créer des congrès - un autre avantage.

Paperjam.lu: Pourquoi est-ce qu'un congrès est organisé à Luxembourg, et pas ailleurs?

Lex Delles: Le Luxembourg est un pays fiable, au coeur de l'Europe, multiculturel, et nous avons une diversité que nous vivons chaque jour.

Le transport public gratuit — on l'oublie — est une chose importante pour attirer des congrès. Ceux qui viennent organiser un congrès au Luxembourg pourraient aussi aller ailleurs qu'à Luxembourg-ville. Le LCB doit permettre de diversifier et d'aider d'autres régions à se développer. Évidemment, Luxembourg-ville est le point de départ, il y a l'aéroport, il y a la gare...

D'autres organisations vont à Mersch, à Vianden ou à Esch. Vous cherchez un endroit où il n'y a pas de grève des transports, pas de blocage sur les routes...

Paperjam.lu: Les plus grosses destinations sont les États-Unis, l'Espagne et l'ltalie...

Lex Delles: Regardez la taille de ces trois pays et quelles sortes de congrès ont lieu, par exemple, en Italie, comme l'agriculture.

Chez nous, c'est le healthcare, l'ICT, l'espace, la logistique... Quand on parle de tourisme d'affaires, on parle d'une destination de congrès, mais aussi de "bleisure" — business et leisure — pour garder les gens plus longtemps. Sur un congrès de trois jours, vous rallongez de deux ou trois jours.

Avec le transport gratuit, vous pouvez aller dans le Nord, ou dans le Sud ou l'Est, vous êtes tout de suite en France, en Belgique ou en Allemagne. Les personnes qui viennent au Luxembourg aiment voir cela.

Paperjam.lu: Quelles autres stratégies déploierezvous, vous qui avez le Tourisme dans vos portefeuilles?

Lex Delles: Il y a un an et demi, nous avons présenté une nouvelle stratégie du tourisme de loisir. Nous jouerons sur différentes cartes, comme le cyclotourisme. Nous avons fait d'énormes progrès sur la signalisation.

Nous voulons être rattachés et reliés avec les pays limitrophes et avec les pistes cyclables européennes, comme la Venn-bahn (125 kilomètres dAix-la-Chapelle dans l'ouest de /Allemagne jusqu'à Trois-vierges en passant par la Belgique, ndlr), qu'on veut tirer jusqu'à Luxembourg-centre pour pouvoir la rediriger vers les autres régions. Ensuite, nous avons le tourisme de mémoire avec trois piliers: l'industrialisation du Luxembourg (avec le musée de l'ardoise ou à Belval, au Minett, etc.)... Le touriste ne s'arrête plus aux frontières luxembourgeoises. Quand on assure la promotion du Luxembourg, on essaie aussi de les amener du côté allemand de la Moselle, du côté français. Tout cela est un ensemble. Une personne qui vient au Luxembourg veut aussi voir l'Allemagne, la France ou la Belgique... et on peut les garder plus longtemps au Grand-Duché. Nous avons des projets communs avec la Wallonie, les Ardennes, nous avons des partenariats sur l'cenotourisme avec l'Allemagne et la France. Deuxième pilier, le tourisme de mémoire sur la Seconde Guerre mondiale, et là encore des collaborations comme avec Bastogne, le cimetière américain de Hamm ou le musée militaire de Diekirch.

Paperjam.lu: C'est quelque chose qui dépasse le pays?

Lex Delles: Le Luxembourg ne fait plus sa promotion en Italie, en Espagne ou en Belgique. Il est très facile de se mettre sur des foires avec de belles photos, de la mer, de la montagne et de dire "venez nous rendre visite"... Les gens vont venir une fois, mais ils diront que ce n'est pas du tout ce à quoi ils s'attendaient. Nous ciblons les personnes qui ont un intérêt particulier, qui peuvent trouver au Luxembourg ce qu'elles cherchent.

Comme les nature-loving actives, qui aiment bien la nature et être actifs, la randonnée ou le cyclisme... Pour la Seconde Guerre mondiale, par exemple, on va aussi aux États-Unis ou au Canada, pour ceux qui ont eu de la famille qui a joué un rôle ici en Europe...

Paperjam.lu: Et le troisième pilier?

Lex Delles: Il y a des groupes spécialisés autour de la construction de l'Union européenne. C'est tout à fait normal, pour nous, d'aller nous promener ici ou là. Pour les touristes, c'est spécial. Notre stratégie ne s'intéresse pas au tourisme de masse. Le bus qui s'arrête pour une demi-heure près de la Gëlle Fra et qui repart directement n'est pas dans la cible du Luxembourg.

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