"Jai besoin d'un mois ou deux pour être complêtement dans le bain"

Francine Closener au sujet de sa mission en tant que secrétaire d'État au ministère de l'Économie.
"Le tourisme représente environ 17.000 emplois. C'est un secteur important pour les jeunes sans qualification que l'on peut former sur le tas et à qui on peut assurer une carrière sans qualification. Il suffit de bien travailler et de jouer sur les compétences linguistiques."

Le Quotidien: A quoi ressemblent vos semaines depuis votre arrivée au ministère, où il vous faut tout découvrir?

Francine Closener: Ce sont des semaines extrêmement chargées et la somme de travail est importante et complexe. J'ai une réunion, un rendez-vous ou une assemblée presque toutes les heures et cela représente beaucoup d'éléments à assimiler et de responsabilités à assumer. Evidemment, c'est très intéressant, mais je dirais que j'ai besoin encore d'un mois ou deux pour être complètement dans le bain. Pour l'instant, je suis en même temps en phase de découverte et pleinement dans ma mission de secrétaire d'Etat.

J'ai par exemple une réunion ici, au ministère, pour faire la connaissance d'une de nos directions, puis juste après un rendez-vous avec Carole Dieschbourg, ministre de l'Environnement, et Camille Gira, secrétaire d'Etat, concernant la politique énergétique, et enfin un rendez-vous à la Chambre des députés pour présenter nos priorités gouvernementales dans le domaine de la force publique. Il faut du temps pour tout assimiler. Il faut découvrir les différents départements, comprendre de quoi ils s'occupent, connaître les gens, comment ils collaborent et avec qui. Le ministère de l'Economie, c'est un amalgame de beaucoup de directions qui agissent dans des domaines très différents qui vont de l'énergie à la propriété intellectuelle en passant par le pavillon maritime pour ne citer que ceux-là.

Le Quotidien: Comment vous êtes-vous partagé les tâches dans ce superministère avec Etienne Schneider?

Francine Closener: Je suis responsable de tous les ressorts, comme le ministre Schneider, mais dans la pratique, j'ai des domaines qui me sont plus particulièrement attribués comme le tourisme, le commerce, l'artisanat, l'esprit d'entreprise avec les deux axes principaux que sont l'amélioration du statut de l'indépendant et la création d'un statut de société simplifiée à un euro de capital. En ce qui concerne la sécurité intérieure et la défense, nous travaillons ensemble sur les dossiers, car Etienne Schneider n'était pas responsable de ces ressorts avant.

Le Quotidien: Concernant le tourisme, ce sont surtout les régions Nord et Est qui appellent un développement. Quelle stratégie envisagez-vous?

Francine Closener: D'abord, il faut parler avec tous les acteurs et surtout développer une stratégie nationale pour cibler les investissements. Cela ne signifie pas que I’on va diminuer les investissements, mais il faut vraiment chercher la qualité et non financer à tort et à travers. On veut discuter avec les ORT, avec l'ONT avec l’Horesca et les auberges de jeunesse de cette stratégie qui aura un impact sur le plan quinquennal du tourisme en vigueur depuis quelques mois. L'avantage de notre superministère de l'Economie est de disposer justement d'outils de promotion comme Luxembourg for Business, par exemple. Mais encore, nous travaillons avec la cellule des Affaires étrangères, le ministère de la Culture et ceci constitue un noyau déjà très important de promotion touristique. Il est capital pour nous d'associer le tourisme dans nos messages auprès des investisseurs quand nous nous déplaçons en mission économique à l'étranger. L'autre avantage du superministère est d'éviter de doubles emplois. Si quelqu'un cherche des subventions, il peut s'adresser à un seul endroit.

Le Quotidien: Quel est le poids du secteur touristique dans l'économie luxembourgeoise?

Francine Closener: Le tourisme représente environ 17.000 emplois. C'est un secteur important pour les jeunes sans qualification que l'on peut former sur le tas et à qui on peut assurer une carrière sans qualification. Il suffit de bien travailler et de jouer sur les compétences linguistiques. Ce qui est très important aussi, c'est le tourisme de congrès qui représente 60% de l'ensemble des nuitées. Nous disposons de 100.000 m 2 de salles de réunion et congrès. Nous voulons également développer le concept d'œnotourisme, ou tourisme vitivinicole et oenologique, et lui attribuer un label de qualité comme c'est déjà le cas pour le Mullerthal Trail qui a décroché un label européen. C'est l'exemple à suivre.

Le Quotidien: Quelles sont les faiblesses du secteur actuellement?

Francine Closener: Les services, sans aucun doute. Si nous nous comparons avec une région comme la Forêt-Noire, nous constatons que les hôtels proposent plus d'activités indoor et qui s'adaptent à toutes les demandes des différents publics. Que fait-on au Mullerthal quand il pleut? Des hôtels proposent des "wellness" (NDLR: activités bien-être) mais trop peu encore. Il y a des efforts à faire dans le domaine de l'accueil dans les hôtels.

Le Quotidien: Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a annoncé que des projets d'investissements seraient décalés dans le budget 2014. Ces économies toucheront-elles le secteur touristique?

Francine Closener: Nous ne savons pas encore, rien n'est défini.

Le Quotidien: Pour en revenir à l'économie en général, nous avons vu le président français, socialiste comme vous, opérer un virage plus libéral avec son « pacte de responsabilité » qui doit faire baisser les charges sur les entreprises en contrepartie d’embauches massives. Est-ce la voie à suivre?

Francine Closener: Le message n'est pas de dire qu'on va épargner à tout-va et faire plaisir aux entreprises. Nous voulons relancer l'économie et créer des emplois aussi bien pour les jeunes qualifiés que pour les jeunes non qualifiés. Le ministère a déjà fait beaucoup d'efforts pour diversifier l'économie dans des secteurs prometteurs. Nous avons fait des investissements conséquents dans le domaine de la logistique, nous avons soutenu des projets dans l'industrie pharmaceutique innovante et en règle générale, nous avons fait de gros efforts dans le domaine de la recherche et de l'innovation, où nous avons soutenu 111 projets qui se situent le plus souvent dans les secteurs prioritaires que sont les écotechnologies, les biotechnologies et le secteur ICT (NDLR: technologies de l'information et de la communication) où nous avons des accès internet haut débit qui sont les meilleurs en Europe. Nous pouvons attirer des compétences et tout cela génère de nouvelles activités.

Le Quotidien: La fin du secret bancaire va bouleverser, dès 2015, l'économe nationale. Est-ce que tout s'emballe aujourd'hui ou le gouvernement se sent-il prêt à affronter ce changement?

Francine Closener: Il n'y a pas d'emballement mais il faut travailler dans la continuité quitte à vouloir accélérer le rythme pour certaines choses. Il faut réfléchir aux priorités et l'ICT en fait certainement partie. Ce qui est surtout important, c'est la simplification administrative, et là on peut dire que c'est une urgence, car pratiquement rien n'a été fait dans ce domaine. C'est une priorité absolue et c'est capital pour nous. Notre ministère a des instruments pour agir à travers les subventions ou les zones d’activités et ce même ministère a un rôle de coordinateur pour les besoins de l'économie.

Le Quotidien: Une simplification administrative qui va surtout être bénéfique pour les PME...

Francine Closener: Oui, car les PME subissent encore davantage les procédures administratives que les autres. Très souvent, elles nous disent que leurs effectifs, déjà peu importants, sont très occupés par ces procédures par rapport aux grandes entreprises qui ont d'autres moyens de s'occuper de ces démarches. L'autre défi des PME étant bien entendu la qualification et, dans une moindre mesure, l'accès aux crédits.

Le Quotidien: La sécurité intérieure est un autre de vos ressorts et le moins que l'on puisse dire, c'est que le procès du poseur de bombes n'améliore pas l'image de la police. Quels sont vos projets dans ce domaine?

Francine Closener: Malgré tout, 80% de la population luxembourgeoise est très satisfaite du travail de la police grand-ducale. Nous voulons que la police soit encore plus présente sur le terrain sans pour autant brûler les étapes. Nous pensons aussi que des personnels civils peuvent décharger des policiers pour certaines tâches administratives. Il y a encore la réforme de l’Inspection générale de la police qui nous occupe beaucoup, car pas grand-chose n'a été fait depuis le temps que cette réforme est attendue. Les travaux ne sont pas clôturés et les modifications n'ont pas été discutées. Bref, nous n'avons rien entre les mains et nous devons d'abord discuter avec l'IGP et recevoir tous les syndicats, c'est important.

Le Quotidien: Vous êtes actuellement la cible d’une campagne de dénigrement initiée par une certaine presse à scandale et relayée par l’ADR. Comment réagissez-vous à cela, vous qui avez été journaliste pendant 20 ans?

Francine Closener: Je n'ai pas envie de relancer tout cela, j'ai déjà reconnu avoir commis une erreur. Je me suis toujours concentrée sur la politique en tant que journaliste, et pas sur la personne. Je crois que beaucoup de gens suivent de très près ce nouveau gouvernement à cause des promesses de transparence et d'une autre gouvernance. Les attentes des gens sont plus grandes et c'est compréhensible. Le public veut être convaincu par cette nouvelle coalition qui est un événement que le Luxembourg n'a encore jamais connu. Nous serons jugés différemment, il faut vivre avec et c'est ce que je fais. Mais c'est dur, parfois.

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