Interview avec François Bausch et Claude Turmes dans Paperjam DRIVE

"Amorcer le changement"

Interview: Paperjam DRIVE

Paperjam DRIVE: Comment le gouvernement entend-il répondre aux défis de la mobilité actuels et comment va évoluer la mobilité individuelle dans ce contexte?

François Bausch: Face aux enjeux climatiques ou encore à la densification des espaces urbains, il est essentiel de changer notre approche de la mobilité. Le principal vecteur de changement sera le développement de la multimodalité, qui s'appuiera sur divers leviers technologiques, comme le numérique. Il faut intégrer l'ensemble des modes de transport dans nos usages, et ne plus uniquement se fixer sur une seule solution de mobilité. Un autre enjeu important réside dans la décarbonisation de la mobilité.

Claude Turmes: Le cadre dans lequel nous évoluons aujourd'hui est le Plan national énergie-climat, qui intègre des objectifs climatiques européens rehaussés. Dans d'autres pays, les transports représentent 25% à 30% des émissions de gaz à effet de serre. Au Luxembourg, c'est 60%. Si la volonté est de promouvoir une mobilité multimodale et douce, pour les voitures et les bus qui continueront à rouler, il faut viser le "zéro carbone". Ce qui permet d'aller dans cette direction aujourd'hui, c'est l'électromobilité.

Paperjam DRIVE: Que représente le parc automobile électrique aujourd'hui au Luxembourg?

François Bausch: En 2020, l'électromobilité représente 10% des voitures neuves vendues, soit 4.209 voitures entre janvier et novembre, avec 1.990 voitures 100% électriques et 2.219 plug-in hybrides. On constate une forte évolution des immatriculations de voitures électriques cette année, à partir de juin, notamment en raison des nouvelles aides pour les voitures électriques, qui sont passées de 5.000 à 8.000 euros pour l'acquisition d'une voiture électrique. Cette tendance forte devrait se confirmer au coeur de l'Autofestival.

Paperjam DRIVE: Les nouvelles aides permettent-elles d'expliquer ce bond à elles seules?

Claude Turmes: La prime est un des éléments. Par ailleurs, les constructeurs mettent sur le marché de plus en plus de modèles électriques. Il est aussi essentiel de soutenir le développement de l'infrastructure de bornes de recharge des véhicules. Le gouvernement intervient à domicile avec l'instauration d'une nouvelle aide pour les bornes de recharge privées, et dans les lieux publics avec le renforcement du réseau Chargy et le déploiement à venir du réseau de recharge rapide Super Chargy.

François Bausch: La réglementation européenne sur les émissions de CO, des voitures neuves joue aussi un rôle important. Elle impose aux constructeurs que la moyenne des émissions de CO, des voitures vendues ne dépasse pas 95g de CO,/km. Pour se conformer à cette exigence et éviter des pénalités financières, les constructeurs n'ont pas d'autre choix que d'augmenter le volume de véhicules électriques vendus. En 2020, un certain nombre de constructeurs ne sont pas parvenus à respecter cette nouvelle exigence. La pression mise sur les constructeurs devrait se traduire dans la commercialisation, avec une volonté forte de promouvoir l'électromobilité.

Paperjam DRIVE: Le parc automobile dans son ensemble devrait donc évoluer vers du "full" électrique?

François Bausch: Oui. Le plug-in hybride peut rester, pendant quelques années, une niche intermédiaire, notamment pour les gros véhicules. Mais je conseillerais à tout le monde d'aller vers le 100% électrique. Le plug-in hybride, s'il est mal utilisé, peut conduire à une consommation et à des émissions plus importantes. Pour une petite voiture, il est préférable d'aller directement vers le 100% électrique.

Claude Turmes: Les batteries s'améliorent considérablement. Rapidement, la plupart des voitures électriques disposeront d'une autonomie permettant de parcourir une distance comparable à ce que l'on connaît aujourd'hui au niveau des motorisations thermiques. De plus, la Commission européenne est en train de définir un cadre pour les batteries. Il comportera des règles relatives à l'ensemble du cycle de vie des batteries, depuis le processus de production et les exigences de conception, jusqu'au recyclage et la seconde vie.

Paperjam DRIVE: Le recours à l'électromobilité n'est-il pas plus incertain en milieu urbain, où tout le monde ne dispose pas d'un garage et d'une bonne recharge à domicile?

Claude Turmes: Dans les deux années à venir, on va continuer à investir considérablement dans le réseau de bornes de recharge public. Notre stratégie est de permettre au plus grand nombre d'accéder à des bornes à la maison, au travail et dans les lieux publics. On sera un des pays au réseau de bornes de recharge parmi les plus denses d'Europe.

  

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